2016 - 2018
To Baghdeda
01
En juin 2014, durant la Seconde guerre civile irakienne, Mossoul tombe aux mains des
djihadistes de l'État islamique.
Quelques semaines plus tard à 32 kilomètres, Qaraqosh la ville chrétienne subira le même sort. En une nuit, ses 50 000 habitants fuient alors la ville pour se réfugier à Erbil, la capitale du Kurdistan Irakien.
Durant plus de 2 ans, la ville désertée deviendra une base de l'EI qui s'en servira comme entrepôt, usine d’armes et centre d’entraînement. De nombreux tunnels serpentent la ville.
Certains allant jusqu’à rallier Mossoul sur 27 kilomètres.
Les maisons sont pillées, souvent brûlées de l'intérieur. Les églises sont dévastées, les
symboles chrétiens brisés mais laissés en exposition. En tout, 62% des maisons seront
partiellement détruites et 36% seront incendiées.
Parmi les chrétiens, la lutte s’organise sous les ordres du général Benham, ancien gradé
de l'armée irakienne, prenant la forme d’une milice chrétienne prête à libérer sa ville
quand la bataille débutera.
Plus de 300 hommes prennent les armes pour reconquérir leurs maisons et leurs églises.
Certains sont étudiants, boulangers ou poètes, d'autres viennent de l'armée mais ne s'y
sentaient plus à leur place en tant que chrétiens.
Le Ninive Plain Protection Unit (NPU) trouve de l'aide auprès des américains qui leur
fournissent des kalachnikovs, PKC et quelques semaines d’entraînement.
Le 17 octobre 2016, la bataille de Mossoul commence enfin et les NPU en font
officiellement partie.
C'est à la dernière minute, 6 jours plus tard, qu'ils ont le feu vert pour attaquer aux côtés de la 9ème division de l'armée irakienne. 300 AK-47 sont livrés la veille par l'armée ainsi que quelques camions non-blindés pour transporter les miliciens.
Sur la route, les mortiers tombent aux alentours, les voitures-suicide explosent au loin. Les NPU se réjouissent à l'idée de revoir leur ville, ils dansent et tirent dans les airs.
A peine arrivés, Jameel, Oussama, Zoher et Amer embrassent le sol de la capitale
chrétienne dans leurs uniformes dépareillés. Tous brûlent d'impatience de s’engouffrer
dans les rues poussiéreuses pour traquer les djihadistes. Les combats durent plusieurs
semaines. Le nettoyage et le déminage plusieurs mois. La question de l'après commence à naître. Il n'y a plus d'électricité ni d'eau, la ville est détruite. Les derniers corps des djihadistes sont retirés par les troupes américaines. Les civils retournent vers Qaraqosh constater les dégâts, filmer leurs maisons pour ceux partis à l'étranger. Les espoirs de retour s’estompent.
Les NPU doivent contrôler la ville et ses checkpoints filtrent les voyageurs entre Mossoul et Erbil. Ils protègent cette position stratégique que beaucoup envient au sein de la plaine de Ninive. L'excitation dans leurs yeux a disparu pour laisser place à la désillusion.
Certains disent avoir perdu la foi, d'autres font des cauchemars des combats contre l’EI.
Beaucoup boivent du whisky acheté à bon prix dans le seul magasin d'alcool d’une ville
fantôme. Les travaux de reconstruction sont énormes, les aides internationales se font
attendre. Les civils hésitent à revenir. De temps à autre, la cloche de l'église retentit pour les miliciens, Qaraqosh est en sursis.
Ce n'est que des mois plus tard, en mai 2017, que l’eau et l'électricité reviennent dans la ville.
Les civils ont commencé à quitter Erbil pour revenir chez eux et entamer les travaux de
reconstruction.
Dans les rues les camions de chantiers font des va-et-vient, les habitants décapent et
nettoient leur maisons. D’autres s’inscrivent sur les listes d’attente des ONG, venues en
aide à la reconstructions de la ville.
Ainsi, ce sont plus de 4000 familles qui viennent repeupler Qaraqosh.
Les enfants ont repris le chemin de l’école, les églises sont pleines et des mariages
s’organisent. L’artère principale de la ville brille de ses néons la nuit tombée, on y trouve des électriciens, maçons, peintres et autres artisans dédiés à la reconstruction.
Un vendeur d’alcool se plaint que Daesh a cassé toutes ses bouteilles pendant que des
rires d'enfants éclatent dans le cybercafé d'à côté.
Les miliciens, malgré que leur mission pour sécuriser la ville continue, se préparent aussi à revenir à leur vie d’avant. Un jour en uniforme, l’autre en bleu de travail les NPU
s’adonnent à la tâche. Evan espère avoir des enfants, partir vivre en Australie et leur offrir un avenir meilleur que le sien, loin de l’Irak.
Jameel a quitté la milice et a écrit un nouveau livre. Le Général Benham quand à lui a
emménagé dans la maison de son fils et s’inquiète pour le futur de sa communauté. Tout n’est pas gagné, un immense chantier reste à venir.
Mais Qaraqosh semble renaître de ses cendres.